Publié le 15 mars 2024

Accéder aux glaciers suisses est un rêve accessible pour tout bon marcheur, à condition de remplacer l’improvisation par une progression structurée et sécuritaire.

  • La transition se fait par l’acquisition de compétences techniques spécifiques, et non par la seule endurance physique.
  • L’écosystème suisse, notamment via le Club Alpin Suisse (CAS), offre un cadre de formation idéal et progressif.

Recommandation : L’étape fondatrice est de suivre un cours d’initiation à l’alpinisme pour acquérir les bases de la sécurité sur glacier et valider votre intérêt pour cette pratique.

Pour tout randonneur aguerri en Suisse, le spectacle est familier. Au détour d’un col, le sentier s’arrête net, laissant place à l’immensité blanche et bleutée d’un glacier. L’émerveillement se mêle souvent à une pointe de frustration : ce monde minéral, si proche, semble pourtant appartenir à une autre dimension, celle des alpinistes. L’idée reçue est tenace : la haute montagne serait une forteresse réservée à une élite surentraînée, un univers de difficultés techniques infranchissables pour le « simple » marcheur.

On pense immédiatement aux dangers, à l’équipement complexe et au gouffre qui semble séparer une randonnée T3 d’un sommet à 4000 mètres. Pourtant, cette vision est incomplète. Et si la clé n’était pas de devenir un grimpeur d’élite, mais d’apprendre à « marcher » différemment ? Si le passage de la terre à la glace n’était pas un saut dans le vide, mais une série de marches, une progression méthodique où chaque nouvelle compétence s’appuie sur une solide expérience de la randonnée ? C’est précisément cet angle que nous allons explorer.

Ce guide n’est pas une simple liste de matériel. Il propose une véritable feuille de route, ancrée dans la réalité suisse, pour transformer le bon marcheur en néophyte éclairé de la haute montagne. Nous verrons comment planifier cette transition, quelles compétences acquérir, comment identifier et gérer les risques, et comment choisir le bon matériel et la bonne saison. L’objectif n’est pas la performance, mais l’accès à l’expérience glaciaire en toute sécurité et avec une autonomie croissante.

Pour vous accompagner dans cette démarche, cet article est structuré pour vous guider pas à pas. Explorez les différentes facettes de cette progression, des premiers pas techniques à la planification de vos courses.

Sommaire : La progression du randonneur vers les sommets glaciaires

L’accès à la haute montagne et aux sommets techniques

La transition de la randonnée exigeante (cotée T3 ou T4 dans le système suisse) vers la haute montagne n’est pas une question de courage, mais de méthode. Le prérequis fondamental n’est pas une condition physique olympique, mais une solide expérience de la marche en terrain alpin. Cette aisance constitue le socle sur lequel viendront se greffer les compétences techniques spécifiques à l’alpinisme. L’écosystème suisse est particulièrement bien structuré pour accompagner cette progression, avec le Club Alpin Suisse (CAS) comme acteur central. S’inscrire à une formation d’initiation est le véritable point de départ. Ces cours, dispensés par des guides ou des chefs de course expérimentés, démystifient la pratique et la rendent concrète.

Une formation typique se déroule sur plusieurs soirées théoriques et deux week-ends pratiques, souvent sur des glaciers-écoles facilement accessibles. L’investissement initial, bien que réel, doit être vu comme un investissement dans votre sécurité. Un cours d’initiation complet coûte généralement autour de 330 CHF selon les tarifs actuels de la section Diablerets du CAS. Ce cursus permet non seulement d’apprendre les manipulations de corde et les techniques de cramponnage, mais aussi d’intégrer une communauté de pratiquants et de trouver des partenaires pour de futures sorties.

Le budget global pour une première année doit être anticipé pour ne pas faire de compromis sur la sécurité. L’achat de l’équipement représente une part significative, mais des options de location existent pour les premières sorties.

Budget équipement et formation pour débuter en haute montagne
Catégorie Élément Coût estimé (CHF)
Formation Cours initiation CAS 250-330
Encadrement Guide montagne (journée) 550
Équipement de base Chaussures cramponnables 300-600
Équipement technique Baudrier, casque, crampons 400-500
Total première année Formation + équipement minimal 1500-2000

Une fois la formation initiale terminée, la progression se fait par la pratique. Il est crucial de commencer par des courses faciles (cotées F à PD, « Facile » à « Peu Difficile »), idéalement accompagné par des personnes plus expérimentées ou un guide. Cette phase de consolidation est essentielle pour gagner en confiance et en autonomie avant d’envisager des objectifs plus ambitieux.

Comprendre cette structure de progression est la première étape. Pour l’assimiler, n’hésitez pas à relire les fondements de cette approche méthodique.

Utiliser les crampons de marche

Pour le randonneur, le premier contact avec le matériel d’alpinisme peut être intimidant. Les crampons symbolisent ce passage du sentier à la glace. Apprendre à les utiliser ne se résume pas à savoir les attacher à ses chaussures ; il s’agit d’intégrer une nouvelle façon de se mouvoir. La technique de base, enseignée dans tous les cours d’initiation, est celle dite des « 10 pointes » ou « pieds à plat ». Elle consiste à garder toute la surface du crampon en contact avec la neige ou la glace, assurant une stabilité maximale sur les pentes faibles à modérées. C’est un changement complet par rapport à la marche classique où l’on déroule le pied.

Sur une pente plus inclinée, on passe à la technique de la « marche en canard » ou « dix heures dix », en ouvrant les pointes des pieds pour que les crampons mordent efficacement. Ce n’est que dans les pentes vraiment raides que l’on utilise les pointes avant, une technique qui relève davantage de l’alpinisme technique. Pour le randonneur glaciaire, la maîtrise de la marche pieds à plat est la compétence clé.

Gros plan sur des crampons fixés à des chaussures de montagne progressant sur glace vive

Comme le montre cette image, une bonne technique de cramponnage assure que les pointes d’acier pénètrent fermement la surface, offrant une accroche sans faille. Cette compétence ne s’acquiert pas dans les livres, mais par la pratique. Les glaciers-écoles suisses, comme ceux de la région du Susten ou de Diavolezza, sont des laboratoires parfaits pour s’exercer dans un environnement contrôlé.

Étude de cas : Formation pratique sur les glaciers-écoles suisses

Le CAS (Club Alpin Suisse) propose des formations pratiques sur glacier qui sont la porte d’entrée idéale. Ces cours permettent d’aborder les caractéristiques générales des glaciers, d’apprendre l’utilisation correcte du matériel technique de sécurité comme les crampons et le piolet, et de s’initier aux tactiques d’évolution encordée sur un glacier enneigé. L’accent est mis sur le choix du meilleur itinéraire et sur la prise de décision, comme savoir quand et comment s’encorder. C’est l’occasion de mettre en pratique la théorie et de transformer la connaissance en réflexe.

L’apprentissage ne s’arrête pas là. Il faut aussi apprendre à marcher avec des crampons sans accrocher son pantalon ou son autre jambe, une erreur de débutant fréquente et potentiellement dangereuse. La pratique régulière et encadrée est donc indispensable pour que le port des crampons devienne une seconde nature.

Identifier les dangers objectifs

La haute montagne est un environnement qui comporte des risques inhérents, appelés « dangers objectifs ». Contrairement aux dangers subjectifs (liés à l’individu : fatigue, erreur technique), ceux-ci existent indépendamment de notre présence : chutes de pierres, séracs menaçants, avalanches ou crevasses. L’objectif du néophyte n’est pas de les éliminer – c’est impossible – mais d’apprendre à les identifier, les anticiper et les éviter. Cela passe par une double compétence : la planification de la course en amont et la lecture du terrain en temps réel.

La planification en Suisse s’appuie sur des outils de premier ordre. Avant toute sortie, même en plein été, la consultation du bulletin d’avalanches du SLF (Institut pour l’étude de la neige et des avalanches) et des prévisions de MétéoSuisse pour la haute montagne est un réflexe non négociable. Ces ressources permettent d’évaluer la stabilité du manteau neigeux et les conditions météorologiques attendues en altitude. Un redoux marqué peut fragiliser les ponts de neige, tandis qu’une chute de neige récente peut masquer des crevasses.

Sur le terrain, la vigilance est constante. Reconnaître un pont de neige fragile est un art qui s’acquiert avec l’expérience et la formation. Les zones affaissées, les fissures ou une couleur de neige légèrement différente sont des indices. La règle est simple : en cas de doute, on ne passe pas. La gestion d’une chute en crevasse est une compétence de sauvetage enseignée par le CAS, incluant la réalisation d’un mouflage pour hisser une personne, mais l’objectif premier est de ne jamais avoir à l’utiliser. Le choix de l’itinéraire, en se tenant à distance des séracs et en privilégiant les zones de compression du glacier, est la première ligne de défense.

L’humilité face aux éléments est la plus grande des sécurités. Savoir renoncer face à une météo qui se dégrade ou à des conditions de neige suspectes n’est pas un échec, mais la marque d’un alpiniste responsable. C’est ce « savoir-évoluer » qui fait la différence entre une prise de risque calculée et une mise en danger inconsciente.

S’encorder en randonnée

L’image de la cordée progressant à l’unisson sur un glacier est l’une des plus emblématiques de l’alpinisme. Pour le randonneur qui transitionne, l’encordement est plus qu’un symbole : c’est la principale police d’assurance-vie face au danger le plus courant des glaciers : la chute en crevasse. Sur un glacier enneigé, les crevasses sont souvent masquées par des ponts de neige dont la solidité est impossible à garantir à 100%. Le rôle de la corde est d’enrayer immédiatement la chute d’une personne grâce au contrepoids et à la réaction de ses compagnons de cordée.

La décision de s’encorder se prend dès que l’on met le pied sur un glacier potentiellement crevassé. La technique ne s’improvise pas : il faut maîtriser les nœuds (typiquement le nœud de huit pour s’attacher au baudrier), savoir ajuster la distance entre les membres de la cordée (généralement 10 à 15 mètres), et marcher corde tendue pour qu’une chute soit stoppée instantanément, sans créer de choc violent. Tout cela s’apprend et se répète des dizaines de fois lors des formations pratiques.

Vue large de randonneurs encordés traversant le glacier d'Aletsch dans les Alpes suisses

Progresser encordé, comme sur le glacier d’Aletsch, demande une coordination et une attention mutuelle permanentes. C’est un acte de confiance et de responsabilité partagée. Le rythme de marche doit être régulier pour éviter les à-coups, et chaque membre doit gérer ses propres anneaux de corde pour ne pas s’emmêler les pieds.

L’expérience de la Haute Route Chamonix-Zermatt

Le projet télévisé de la TSR, qui a suivi 19 marcheurs ordinaires sur la célèbre Haute Route, a parfaitement illustré ce principe. Encadrés par trois guides de haute montagne, des personnes de tous âges et de tous horizons ont rallié Chamonix à Zermatt en 8 jours. Cette aventure, qui traverse de nombreux glaciers, a démontré que l’accès à ce type de terrain est possible pour un « humain ordinaire » doté d’une bonne condition physique et, surtout, d’un encadrement professionnel adéquat qui gère la sécurité, notamment l’encordement. Cela prouve que la technique, lorsqu’elle est bien enseignée, devient un outil au service de l’aventure et non un obstacle.

L’encordement transforme un groupe d’individus en une équipe solidaire. C’est un des aspects les plus gratifiants de la pratique, qui enseigne la communication, l’anticipation et la confiance mutuelle.

Choisir la bonne saison

Le calendrier de la haute montagne ne suit pas celui des quatre saisons traditionnelles. En Suisse, la période propice pour la randonnée glaciaire et l’alpinisme facile est relativement courte et centrée sur l’été. Choisir le bon moment pour sa sortie est un élément crucial de la planification, qui a un impact direct sur la sécurité et l’agrément de la course. Chaque période estivale a ses propres caractéristiques. Le début de saison, en juin et début juillet, offre généralement un excellent enneigement sur les glaciers. Les ponts de neige sont souvent plus solides et les crevasses mieux bouchées. C’est un avantage pour la sécurité. Le revers de la médaille peut être la présence de névés tardifs et importants dans les approches en plus basse altitude, qui peuvent compliquer l’accès aux refuges ou aux glaciers.

La période allant de mi-juillet à fin août est considérée comme le cœur de la saison. Les conditions sont généralement plus sèches, les approches sont dégagées et tous les refuges du Club Alpin Suisse sont ouverts et gardiennés. C’est la période idéale pour la plupart des courses classiques. Cependant, la chaleur de l’été fait fondre la neige, ce qui peut rendre les ponts de neige plus fragiles et ouvrir davantage les crevasses en fin de journée. Le mois de septembre peut offrir des conditions très stables avec une météo souvent magnifique. C’est une période prisée par les connaisseurs. Les inconvénients sont des jours qui raccourcissent, un gel nocturne plus marqué et certains refuges qui commencent à fermer leurs portes vers la fin du mois.

Ce choix de saison doit aussi être mis en perspective avec l’ampleur de l’objectif visé. Une course à la journée n’a pas les mêmes contraintes qu’un trek de plusieurs jours comme la célèbre Haute Route des Marcheurs. Cet itinéraire mythique représente un engagement conséquent, avec près de 200 km et 15 000 m de dénivelé positif répartis sur 14 étapes.

Comparaison des saisons pour la haute montagne en Suisse
Période Avantages Inconvénients
Juin-Juillet Ponts de neige solides, neige abondante Risque de névés tardifs en basse altitude
Août-Septembre Conditions plus sèches, refuges ouverts Refuges commencent à fermer fin septembre, conditions plus difficiles avec pluies fréquentes et possibilité de premières neiges
Septembre-Octobre Stabilité météo fréquente Jours courts, gel nocturne marqué, fermeture infrastructures

En résumé, il n’y a pas de « meilleure » saison absolue, mais une saison optimale pour chaque type de course et chaque niveau d’expérience. Le débutant aura tout intérêt à privilégier la période de pleine saison estivale pour bénéficier des meilleures conditions et de l’ouverture des infrastructures.

Protéger ses yeux

Si le froid et le vent sont des menaces évidentes en altitude, il en est une, plus insidieuse, souvent sous-estimée par le randonneur : la réverbération du soleil sur la neige. La protection oculaire n’est pas un confort, c’est un impératif absolu pour éviter des lésions graves comme l’ophtalmie des neiges, un véritable « coup de soleil » de la cornée extrêmement douloureux. L’intensité des rayons ultraviolets (UV) augmente considérablement avec l’altitude. Il est admis que l’intensité des rayons UV augmente d’environ 12% tous les 1000 mètres. À cela s’ajoute l’effet de réverbération sur la neige, qui peut réfléchir jusqu’à 80% des UV. À 3500 mètres, l’exposition est donc démultipliée.

Des lunettes de soleil classiques, même de bonne qualité, sont totalement insuffisantes. Pour la haute montagne, il est impératif d’utiliser des lunettes de glacier de catégorie 4. Cette catégorie garantit une filtration de la lumière visible de plus de 92%, offrant une protection maximale. Mais l’indice de protection ne fait pas tout. La monture est tout aussi importante. Elle doit être très couvrante pour bloquer la lumière parasite venant des côtés, du dessus et du dessous. C’est le rôle des coques latérales, amovibles ou non, qui caractérisent les lunettes de glacier. Une monture très galbée peut également remplir cette fonction.

Voici les points clés à vérifier lors du choix de vos lunettes :

  • Classe de protection 4 : C’est le standard non négociable pour la randonnée sur glacier. Attention, ces lunettes sont si sombres qu’il est interdit de les porter pour la conduite automobile.
  • Protection latérale : La présence de coques ou une forme très enveloppante est indispensable pour éviter toute entrée de lumière.
  • Couverture optimale : La monture doit bien couvrir au-dessus et en-dessous des yeux pour bloquer la réverbération venant du sol.
  • Qualité des verres : Privilégier des verres foncés (base brune ou grise) avec un traitement miroir qui limite l’éblouissement et améliore le confort visuel.

Investir dans une bonne paire de lunettes de glacier est l’un des achats les plus importants et les moins coûteux en matière de sécurité. Il est également sage d’avoir toujours une paire de rechange dans le fond de son sac à dos en cas de perte ou de casse.

Adapter à la luminosité

La gestion de la lumière en haute montagne est un jeu de contrastes extrêmes. On passe de l’obscurité totale des départs nocturnes à l’éblouissement aveuglant du soleil sur le glacier en quelques heures. Savoir s’adapter à ces changements est une compétence clé, et la lampe frontale en est l’outil principal. Le fameux départ « à la fraîche » n’est pas un simple folklore alpin ; c’est une stratégie de sécurité mûrement réfléchie. Partir d’une cabane du CAS entre 3h et 5h du matin permet d’atteindre le sommet et d’entamer la descente avant que le soleil de l’après-midi ne réchauffe trop le manteau neigeux, augmentant le risque d’avalanches et fragilisant les ponts de neige.

Cette pratique impose une parfaite maîtrise de la progression de nuit, souvent sur une moraine ou un glacier. Une lampe frontale performante est donc essentielle. On ne parle pas ici de la petite lampe de camping, mais d’un véritable outil de navigation.

La stratégie de la lampe frontale en Suisse : le départ ‘à la fraîche’ entre 3h et 5h du matin depuis une cabane du CAS pour atteindre le sommet avant les premières chaleurs.

– Guide pratique, Recommandations standards des guides suisses

Le choix de cet équipement doit être rigoureux. La puissance est un critère important, mais l’autonomie et les fonctionnalités le sont tout autant. Une frontale moderne doit offrir plusieurs modes d’éclairage pour s’adapter à chaque situation : un mode large pour voir où l’on met les pieds, un mode focalisé pour sonder l’itinéraire au loin, et surtout, un mode lumière rouge.

Votre plan d’action : checklist équipement lumineux pour un départ alpin

  1. Frontale principale : Choisir un modèle offrant au minimum 300 lumens, suffisant pour une navigation sécuritaire sur glacier et pour distinguer les reliefs.
  2. Mode lumière rouge : Vérifier la présence d’un mode lumière rouge. Il est obligatoire pour se déplacer en refuge ou en dortoir la nuit sans éblouir et réveiller tout le monde, car il préserve la vision nocturne.
  3. Autonomie et rechange : S’assurer d’avoir des piles de rechange neuves ou une batterie externe complètement chargée. L’autonomie doit pouvoir couvrir 6 à 8 heures d’utilisation continue.
  4. Frontale de secours : Toujours avoir une petite frontale de secours, légère et simple, dans le fond du sac en cas de défaillance de la principale.
  5. Navigation complémentaire : Prévoir un GPS ou une application smartphone avec des cartes topographiques suisses téléchargées pour une utilisation hors-ligne. La frontale éclaire, mais ne dit pas où aller.

Maîtriser son équipement lumineux est la garantie de transformer les heures sombres du départ en une expérience sereine et magique, plutôt qu’en une source de stress et de danger.

À retenir

  • La haute montagne est accessible aux bons marcheurs via une progression méthodique basée sur la formation.
  • La sécurité repose sur la maîtrise de techniques clés (cramponnage, encordement) et sur la culture du risque (planification, renoncement).
  • L’écosystème suisse, avec le CAS, les guides et les outils de prévision, offre un cadre idéal pour un apprentissage sécurisé.

Protéger les extrémités

En haute montagne, le corps est soumis à des températures qui peuvent chuter brutalement, même en plein été. Si le système des trois couches pour le torse et les jambes est bien connu, la protection des extrémités (mains, pieds, tête) est souvent ce qui fait la différence entre une sortie réussie et un calvaire. Ce sont en effet les parties du corps les plus exposées au froid et aux gelures. L’adage « quand on a froid aux pieds, on met un bonnet » illustre bien que la thermorégulation est un système global, mais une protection locale reste indispensable.

Retour d’expérience : la Haute Route à 73 ans

L’âge n’est pas nécessairement une barrière à la haute montagne, comme le montre le témoignage d’une randonneuse de 73 ans ayant réussi le trek Chamonix-Zermatt. Elle faisait partie d’un groupe international de 14 personnes dont les âges allaient de 19 à 73 ans. Le succès de cette entreprise pour tous les participants, y compris les plus âgés, a reposé sur une préparation adaptée et, selon ses propres mots, sur un guide professionnel attentif qui a su gérer le rythme et la sécurité du groupe. Cela souligne que l’expérience et une bonne gestion de l’effort, y compris la protection contre le froid, peuvent compenser une partie de la vigueur physique de la jeunesse.

Pour les mains, le système multicouche est le plus efficace. Il consiste à superposer : des sous-gants fins (en soie ou laine mérinos) pour un apport de chaleur de base et pour pouvoir manipuler du matériel sans être à mains nues, une paire de gants isolants (en polaire ou softshell), et enfin une paire de surmoufles imperméables et coupe-vent à enfiler par-dessus en cas de grand froid ou de mauvais temps. Pour les pieds, le choix des chaussettes est crucial. Il faut privilégier des chaussettes techniques en laine mérinos, qui isolent même humides et limitent les odeurs. Il est vital de garder ses pieds au sec. Avoir une paire de chaussettes de rechange sèches dans son sac est une règle d’or.

Enfin, la tête est une zone de déperdition de chaleur majeure. Un bonnet chaud est indispensable, complété par un bandeau ou un tour de cou type « Buff » qui offre une grande polyvalence pour protéger le cou, le nez et les oreilles du vent glacial. Ne jamais négliger le froid, même si la météo au départ est clémente, est une marque de prudence et d’expérience.

Maintenant que vous avez toutes les clés pour aborder cette transition, l’étape suivante consiste à passer de la théorie à la pratique. Le chemin le plus sûr et le plus enrichissant est de vous inscrire à un cours d’initiation auprès d’une section du Club Alpin Suisse ou de faire appel à un guide de haute montagne pour une première expérience encadrée.

Questions fréquentes sur l’accès à la haute montagne pour les marcheurs

Comment reconnaître un pont de neige fragile sur un glacier?

Il n’y a pas de méthode infaillible, mais une formation spécifique vous apprend à observer les indices. Il faut connaître les caractéristiques générales des glaciers et savoir évoluer avec la bonne tactique sur un glacier enneigé, en choisissant le meilleur itinéraire et en se fiant à l’expérience. Les zones affaissées ou de couleur différente doivent alerter.

Quelle formation est nécessaire pour gérer une chute en crevasse?

Les cours de sécurité et de sauvetage sur glacier proposés par le CAS sont spécifiquement conçus pour cela. On y apprend à réagir correctement en cas de chute d’un partenaire, notamment en réalisant un mouflage (système de poulies avec la corde). Les formations incluent aussi des exercices pratiques de remontée sur corde et d’auto-sauvetage.

Quels outils suisses utiliser pour la planification?

Deux outils sont absolument essentiels en Suisse : le bulletin d’avalanches de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches (SLF), même en été, et les prévisions spécifiques à la montagne de MétéoSuisse. Ils permettent d’évaluer les conditions de neige et les risques météorologiques avant même de partir.

Quel système multicouche adopter pour les mains?

Le système à trois couches est idéal pour affronter toutes les conditions au-dessus de 3500m. Il se compose d’une paire de sous-gants fins en laine mérinos pour la dextérité, d’une paire de gants plus épais en polaire ou softshell pour l’isolation, et d’une paire de surmoufles imperméables et coupe-vent à ajouter par-dessus en cas de grand froid ou de tempête.

Comment prévenir les gelures aux pieds?

La prévention passe par le port de chaussettes techniques de haute qualité, de préférence en laine mérinos qui isole même humide. Il est crucial de maintenir les pieds au sec, ce qui implique d’avoir des chaussures bien imperméables et de ne pas hésiter à changer de chaussettes durant la journée si elles sont humides à cause de la transpiration.

Que mettre dans le kit de secours « extrémités »?

En plus de la trousse de premiers secours classique, un petit kit dédié aux extrémités est une sage précaution. Il devrait contenir des chaufferettes chimiques pour les mains et les pieds, une paire de chaussettes sèches de rechange emballée dans un sac étanche, et un stick à lèvres avec une très haute protection solaire pour protéger les lèvres et le nez.

Rédigé par Sophie Perreten, Guide de haute montagne certifiée ASGM (Association Suisse des Guides de Montagne) et secouriste alpine expérimentée. Basée en Valais, elle cumule 12 années de pratique professionnelle sur les sommets de 4000m et les glaciers suisses.