Publié le 12 avril 2024

La réussite d’un défi d’endurance en Suisse repose moins sur l’accumulation de kilomètres que sur une préparation stratégique de chaque composante de la performance.

  • Un diagnostic précis de vos seuils physiologiques via des tests en laboratoire est le point de départ non-négociable de toute progression.
  • La performance se construit en combinant un volume d’entraînement méthodologique, une efficience technique du geste et une gestion rigoureuse de la fatigue centrale.

Recommandation : Adoptez une approche systémique intégrant renforcement polyarticulaire et explosivité pour dominer les exigences spécifiques du terrain alpin.

Se préparer pour un concours de l’armée ou de la police, ou viser la ligne d’arrivée d’un trail alpin comme Sierre-Zinal, représente bien plus qu’un simple objectif sportif. C’est un engagement total qui met à l’épreuve les limites physiques et mentales. Face à un tel défi, l’approche instinctive consistant à « courir plus pour courir plus longtemps » montre rapidement ses limites. Elle mène souvent à la stagnation, à la blessure ou à l’épuisement avant même le jour J, surtout dans un environnement aussi exigeant que la Suisse, avec son dénivelé et ses conditions changeantes.

Les conseils conventionnels se concentrent sur l’accumulation de volume, une nutrition basique et un renforcement musculaire générique. Pourtant, la performance en endurance est un système complexe. Négliger un seul de ses rouages, c’est compromettre l’ensemble de la machine. La clé ne réside pas dans la force brute ou le volume à tout prix, mais dans l’intelligence de la préparation. Et si la véritable marge de progression se situait non pas dans vos jambes, mais dans votre méthode ?

Cet article propose une rupture avec les approches traditionnelles. Nous allons déconstruire la performance en endurance en ses composantes fondamentales, du diagnostic initial à la gestion de la fatigue nerveuse. Il ne s’agit pas d’un plan d’entraînement universel, mais d’un manuel stratégique pour vous permettre de construire votre propre machine à performer, calibrée pour les défis uniques que présente le terrain suisse.

Pour vous guider dans cette démarche méthodique, nous allons explorer huit piliers essentiels. Chaque section s’attaque à un aspect critique de la performance, vous fournissant les outils et les connaissances pour transformer votre préparation en une opération de précision.

Diagnostiquer le point faible

Toute stratégie de performance commence par un état des lieux précis. S’entraîner « au feeling » ou sur la base de formules génériques (comme le 220 – âge pour la FCmax) est le chemin le plus court vers le plateau de performance. Votre véritable point de départ n’est pas votre dernière course, mais une analyse objective de votre physiologie. La VO2max, souvent présentée comme le Graal, n’est qu’une pièce du puzzle. L’essentiel est d’identifier vos seuils ventilatoires (SV1 et SV2), qui dictent votre capacité à soutenir un effort dans la durée. Comme le souligne l’équipe du Centre de médecine du sport du CHUV, un test en laboratoire est crucial pour définir des zones d’entraînement réellement personnalisées.

Un athlète amateur ayant effectué un test d’effort complet au centre VO2Sport à Lausanne illustre parfaitement ce principe. Son test a non seulement mesuré une VO2max précise (53 ml/min/kg), mais il a surtout permis de cartographier ses zones d’intensité et de comparer la précision de sa montre GPS, révélant une marge d’erreur à corriger. C’est ce niveau de précision diagnostique qui transforme un entraînement vague en une progression ciblée. Sans diagnostic, vous naviguez à l’aveugle, risquant de vous entraîner trop dur ou pas assez.

Votre plan d’action pour un diagnostic de performance en Suisse

  1. Prise de contact et prescription : Prenez rendez-vous dans un centre spécialisé (par ex. CHUV à Lausanne, Vidysport, Hôpitaux Universitaires de Genève) ; une ordonnance médicale peut permettre un remboursement partiel.
  2. Préparation au test : Respectez 48 heures sans entraînement intensif avant le rendez-vous. Assurez-vous d’être dans des conditions optimales : bien hydraté et non à jeun.
  3. Réalisation du test : Le test se déroule sur vélo ou tapis roulant, avec mesure des échanges gazeux, du lactate sanguin et de la fréquence cardiaque, pour une durée d’environ 30 minutes.
  4. Analyse des résultats : Décortiquez les données (VO2max, seuils ventilatoires SV1/SV2, zones de FC personnalisées) avec le médecin du sport pour identifier vos forces et faiblesses.
  5. Validation sur le terrain : Confrontez les zones définies en laboratoire avec vos sensations et les données de tests pratiques (par ex. segments Strava, tests de Cooper) pour calibrer votre entraînement.

Suivre une méthodologie de volume

Une fois le diagnostic posé, le volume d’entraînement devient le moteur de la progression aérobie. Cependant, le volume pour le volume est contre-productif. L’objectif est de suivre une méthodologie de volume progressive et polarisée. Cela signifie que la majorité de votre temps d’entraînement (environ 80%) doit se faire à basse intensité (en dessous de votre premier seuil ventilatoire, SV1) pour construire une base aérobie solide, tandis qu’une petite partie (20%) sera consacrée à des efforts de haute intensité pour élever votre potentiel. Cette approche maximise les adaptations physiologiques tout en minimisant le risque de surentraînement et de blessure.

Skieur-alpiniste en montée avec peaux de phoque dans les Alpes valaisannes enneigées, illustrant un entraînement de volume en hiver.

Le contexte suisse est particulièrement parlant. L’entraînement de base pour un skieur-alpiniste en hiver ou un trailer en été implique de longues heures en montagne à faible allure, développant l’endurance fondamentale. Cette base est cruciale, d’autant que le niveau de condition physique général tend à diminuer. Selon l’Observatoire Sport et activité physique Suisse, le score moyen au Test de Fitness lors du recrutement a baissé, avec seulement 67 points en moyenne en 2024, contre 71 en 2010. Une approche structurée du volume est donc non seulement une stratégie de performance, mais aussi une nécessité pour combler un déficit potentiel.

Standardiser le mouvement

L’endurance ne dépend pas seulement de la capacité de votre cœur et de vos poumons, mais aussi de votre économie de mouvement. Chaque geste superflu est une dépense énergétique qui vous rapproche de l’épuisement. La standardisation du mouvement vise à rendre votre technique aussi efficiente que possible. Pour un coureur, cela signifie travailler sa foulée ; pour un rameur, son coup de rame. Cela nécessite un travail technique spécifique, souvent dissocié des séances d’endurance pure. Comme le souligne Adrian Rothenbuehler de la Formation des entraîneurs Suisse, « l’entraînement de la force dans les sports d’endurance ne se résume pas à la force-endurance » ; les adaptations neuromusculaires requièrent une approche dédiée pour éviter les interférences.

En Suisse, la topographie variée impose une adaptabilité technique constante. Une foulée efficace sur les sentiers roulants du Plateau jurassien sera totalement inadaptée dans une montée raide des Préalpes fribourgeoises ou une descente technique du Val d’Anniviers. Standardiser son mouvement, c’est donc aussi développer un arsenal de techniques adaptées à chaque type de terrain pour maintenir l’efficience en toutes circonstances. L’objectif est de rendre le mouvement juste automatique pour que toute l’énergie mentale soit consacrée à la gestion de l’effort.

Le tableau suivant, adapté pour le contexte suisse, illustre comment la foulée doit être modulée en fonction du terrain. Comme le montre une analyse comparative des techniques de course, l’efficience est une question d’adaptation.

Comparaison des types de foulée pour le trail en terrain suisse
Type de terrain Caractéristiques de la foulée Cadence cible Application en Suisse
Sentiers roulants du Plateau Foulée rasante et économique 170-180 pas/min Parcours Vita, chemins forestiers
Montées alpines raides Foulée courte et puissante avec aide des bras 160-170 pas/min Cols du Valais, montées >20%
Descentes techniques Foulée réactive avec appui avant-pied 180-190 pas/min Sentiers rocheux des Préalpes

Gérer la fatigue centrale

La fatigue la plus limitante dans un effort d’endurance n’est souvent pas musculaire, mais nerveuse. La fatigue centrale est une forme de protection mise en place par votre système nerveux central pour prévenir les dommages liés à un effort extrême. Elle se manifeste par une baisse de la motivation, une perception accrue de l’effort et une diminution de la capacité à recruter les fibres musculaires. La gérer est donc aussi crucial que de renforcer ses muscles. Cela passe par une planification intelligente de l’entraînement et, surtout, par des stratégies de récupération qui ciblent le système nerveux.

Le programme de récupération des athlètes d’élite suisses, encadré par le concept de développement FTEM de Swiss Olympic, offre un aperçu concret de ces méthodes. Loin de se limiter au repos passif, la récupération active est privilégiée. Des stratégies comme les bains froids dans les lacs alpins après un effort intense, les randonnées de très faible intensité en forêt pour diminuer le taux de cortisol, ou encore le monitoring quotidien de la Variabilité de la Fréquence Cardiaque (VFC) sont utilisées. La VFC, en particulier, est un indicateur précieux de l’état de votre système nerveux autonome, permettant d’ajuster la charge d’entraînement au jour le jour pour éviter de « puiser dans les réserves » et de basculer dans le surentraînement.

Ignorer la fatigue centrale, c’est comme conduire une voiture de course en ignorant les voyants du tableau de bord : la panne est inévitable. Apprendre à écouter ces signaux et à y répondre avec des actions de récupération ciblées est une compétence fondamentale pour performer sur le long terme.

Exploiter les variantes explosives

Pour améliorer l’endurance, il faut paradoxalement travailler l’explosivité. L’entraînement pliométrique (sauts, foulées bondissantes) ne sert pas qu’aux sprinters. Il améliore la réactivité de vos muscles et tendons, ce qui augmente l’efficacité de chaque foulée. C’est ce qu’on appelle l’amélioration du cycle étirement-détente. Concrètement, un système musculo-tendineux plus « élastique » restitue plus d’énergie à chaque impact au sol, réduisant ainsi le coût énergétique de la course. Pour un athlète d’endurance, cela se traduit par la capacité à maintenir une vitesse donnée avec moins d’effort, ou à produire des accélérations décisives en fin de course ou dans les montées raides.

Gros plan sur les jambes d'un athlète effectuant un saut pliométrique sur un rocher en montagne.

L’intégration de variantes explosives doit être progressive et structurée pour éviter les blessures. Un programme spécifique pour le trail en terrain suisse pourrait inclure :

  • Phase 1 (Semanies 1-4) : Initiation avec des sauts sur box de hauteur modérée (40-50 cm) et des foulées bondissantes sur terrain plat pour développer la technique de base.
  • Phase 2 (Semaines 5-6) : Augmentation de la spécificité avec des sprints en côte sur des pentes courtes et raides, comme celles que l’on trouve dans les vignobles du Lavaux, pour développer la puissance en montée.
  • Phase 3 (Semaines 7-8) : Intégration dans des séances spécifiques, en alternant par exemple des montées de sentiers en mode explosif avec des phases de récupération active, simulant les changements de rythme d’une course.

Ce type d’entraînement transforme vos muscles non seulement en moteurs, mais aussi en ressorts, vous donnant un avantage décisif lorsque la fatigue s’installe.

Sélectionner les exercices polyarticulaires

La force acquise en salle de musculation doit être transférable à votre discipline. L’isolation d’un seul groupe musculaire sur une machine a peu d’intérêt pour un athlète d’endurance. La performance repose sur la capacité de votre corps à fonctionner comme une chaîne cinétique cohérente. C’est pourquoi la sélection doit se porter quasi exclusivement sur les exercices polyarticulaires : ceux qui mobilisent plusieurs articulations et groupes musculaires simultanément. Le squat, le soulevé de terre (deadlift), les tractions et le rowing sont les piliers de ce type de renforcement.

Ces mouvements renforcent non seulement les muscles moteurs (quadriceps, ischio-jambiers, fessiers) mais aussi, et c’est crucial, les muscles stabilisateurs du tronc (la « gaine abdominale ») et la chaîne postérieure (dos, lombaires). Un tronc fort assure une transmission efficace des forces entre le haut et le bas du corps, prévenant les déperditions d’énergie. La préparation du champion olympique suisse d’aviron, Xeno Mueller, est un cas d’école. Son entraînement sur les berges du lac de Sarnen intégrait systématiquement rowing, deadlifts et squats pour bâtir la puissance de toute la chaîne postérieure, essentielle à la propulsion en aviron. L’entraînement au rowing sur machine, par exemple, a démontré sa capacité à améliorer la performance globale.

L’objectif n’est pas de soulever des charges maximales, mais de construire une force fonctionnelle et une résilience aux blessures. Deux à trois séances de renforcement ciblées par semaine, en dehors des jours d’entraînement d’endurance les plus intenses, suffisent à produire des résultats significatifs sans générer de fatigue excessive.

Gérer l’intensité cardiaque

Le cardiofréquencemètre est votre tableau de bord. Apprendre à l’interpréter correctement est fondamental pour piloter votre effort, surtout en terrain varié comme en Suisse. S’entraîner et concourir dans les bonnes zones d’intensité permet d’optimiser l’utilisation de vos substrats énergétiques (lipides vs. glucides) et de retarder l’apparition de la fatigue. Les zones de fréquence cardiaque (FC) définies lors de votre test en laboratoire sont votre référence absolue. Cependant, un facteur clé doit être pris en compte dans le contexte alpin : l’altitude.

En altitude, la raréfaction de l’oxygène force votre cœur à battre plus vite pour compenser. Vos zones de FC doivent donc être ajustées à la hausse. S’entraîner à 2000 mètres dans les Préalpes avec les mêmes zones FC qu’au bord du lac Léman est une erreur qui peut conduire à un surmenage rapide. De même, un effort qui semble modéré en plaine, comme la marche athlétique, peut devenir très intense en montée ; en effet, il a été observé que la marche athlétique rapide en côte peut exiger 70 à 80 % de la FC max, un niveau d’intensité considérable.

Le tableau suivant donne un ordre de grandeur des ajustements à considérer, sachant que l’acclimatation individuelle joue un rôle majeur.

Zones de fréquence cardiaque selon l’altitude en Suisse
Altitude FC Zone 2 (endurance) FC Seuil Adaptation nécessaire
< 1000m (Plateau) 65-75% FCmax 85-90% FCmax Aucune
1500-2000m (Préalpes) 70-78% FCmax 87-92% FCmax +3-5% sur toutes les zones
> 2500m (Haute montagne) 75-82% FCmax 90-95% FCmax +7-10% et acclimatation requise

À retenir

  • La performance en endurance est un système : le succès dépend de l’optimisation de chaque composante (diagnostic, volume, technique, force, récupération), pas seulement du cardio.
  • Le contexte suisse (altitude, dénivelé) n’est pas un obstacle mais un outil d’entraînement qui exige une adaptation technique et physiologique constante.
  • La gestion de la fatigue (musculaire et surtout centrale) et la prévention des blessures (posture, mobilité) sont aussi importantes que l’entraînement lui-même pour garantir la durabilité.

La santé du dos et la posture au quotidien

La performance à long terme est indissociable d’un corps sain et résilient. La meilleure des préparations peut être anéantie par une blessure. Pour l’athlète d’endurance, dont le corps subit des milliers de répétitions de mouvements, le maillon faible est souvent la chaîne posturale, et plus particulièrement la santé du dos. Une mauvaise posture au quotidien (heures passées assis à un bureau) crée des déséquilibres (psoas et ischio-jambiers tendus, fessiers et abdominaux faibles) qui se répercutent directement sur votre technique de course ou de mouvement, augmentant le risque de blessures de surcharge.

Intégrer une routine de mobilité et de gainage profond n’est pas une option, mais une nécessité. Il ne s’agit pas de longues séances d’étirements passifs, mais d’un travail actif et régulier visant à restaurer la mobilité articulaire (hanches, colonne thoracique) et à activer les muscles stabilisateurs profonds. C’est le travail de l’ombre qui permet aux muscles moteurs de fonctionner dans des conditions optimales. Le gainage type « planche » est un début, mais des exercices comme le « dead bug » ou le « bird-dog » sont plus efficaces pour cibler la stabilité lombo-pelvienne.

Voici un plan d’action de mobilité en 4 temps, inspiré des routines pour athlètes d’endurance, facile à intégrer dans un quotidien chargé :

  • Au réveil (5 min) : Activez votre colonne avec des extensions thoraciques sur un rouleau en mousse (foam roller) et des enchaînements « chat-vache » pour réveiller la mobilité vertébrale.
  • Pause au bureau (2 min) : Combattez les méfaits de la position assise avec des étirements du psoas en position debout et des rotations thoraciques sur votre chaise.
  • Post-entraînement (10 min) : Renforcez votre gainage profond avec des exercices de stabilisation comme le « dead bug » et le « bird-dog », en vous concentrant sur une exécution lente et contrôlée.
  • Séance hebdomadaire (45-60 min) : Consacrez une séance complète de yoga ou de Pilates à la mobilité des hanches et au renforcement de la chaîne postérieure.

Pour bâtir une performance durable, il est impératif d’intégrer ces pratiques. Revoyez les points clés pour maintenir une posture et une mobilité optimales.

Votre défi d’endurance est un projet d’ingénierie. En appliquant cette approche méthodique et rigoureuse, vous ne laissez rien au hasard. Vous construisez brique par brique, une performance solide, intelligente et surtout, durable, prête à affronter les exigences uniques du terrain suisse.

Rédigé par David Zuber, Préparateur physique titulaire du Brevet Fédéral et coach spécialiste en force et conditionnement. Fort de 10 ans d'expérience, il entraîne des athlètes et des particuliers dans le développement de l'hypertrophie et de la mobilité fonctionnelle.